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DE GUSTAVE FLAUBERT.

une nourrice. Le ruffian nommé Duquesnel l’a refusée mêmement. Alors, je l’ai portée à Cluny. Or le directeur de cette boîte m’a répondu, quarante-huit heures après, qu’il trouve cette pièce « parfaite » et compte avoir avec elle un grand succès d’argent. Il me parle d’engagements superbes. Il veut séduire à prix d’or, pour jouer le rôle d’une cocotte, Mme *** (qui en est une autre cocotte ; moi pas la connaître).

Je vous jure que je ne me monte pas le bourrichon, ayant de l’expérience, hélas ! Cependant qui sait ?

D’après ce que m’écrit le susdit directeur, le Sexe faible serait joué en octobre et les répétitions commenceraient en septembre.

Tout cela va me déranger de mon roman des Deux Copistes, auquel je voudrais me mettre tout de suite en arrivant à Croisset. Je serai revenu à Paris vers la fin de la semaine prochaine et cinq ou six jours après réinstallé, je l’espère, dans ma maison des champs.

J’ai lu un livre qui fait joliment rêver : l’Histoire de la création naturelle de Haeckel.

Je vous recommande aussi la Conquête de Plassans de Zola. Ce roman n’a obtenu aucun succès. Il n’en est pas moins fort ; c’est une œuvre.

Vous n’imaginez pas la laideur des dames qui m’entourent. Quelles toilettes ! quelles têtes ! Toutes Allemandes ! c’est à vomir ! Pas un œil éclairé, pas un bout de ruban un peu propre, pas une bottine ou un nez bien faits, pas une épaule faisant rêver… à des pâmoisons ! Allons, vive la France ! et surtout vivent les Françaises !

Je vous baise les deux mains, chère Madame.