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CORRESPONDANCE

chés que nous soyons l’un et l’autre de la politique, nous ne pouvons pas nous empêcher d’en gémir, ne serait-ce que par dégoût physique.

Ah ! mon cher bon vieux Tourgueneff, que je voudrais être à l’automne pour vous avoir chez moi, à Croisset, pendant une bonne quinzaine ! Vous apporterez votre besogne, et je vous montrerai les premières pages de B. et P. qui, espérons-le, seront faites, et puis, je vous ouïrai.

Où êtes-vous présentement, en Russie ou à Carlsbad ? Ce qui serait sublime, ce serait de revenir en France par le Rigi. Mais les De… ne sont plus de ce monde. Je résiste à l’envie de me rembarquer sur le lac et de passer le Saint-Gothard pour aller finir mon mois à Venise. Là, au moins, je m’amuserais.

Ma nièce doit être actuellement au delà de Stockholm, elle compte être revenue à Dieppe à la fin de juillet.

Pour m’occuper, je vais tâcher de creuser deux sujets encore fort obscurs. Mais je me connais, je ne ferai ici absolument rien. Il faudrait avoir vingt-cinq ans et se promener ici avec la bien-aimée. Les chalets se suivant dans l’eau sont des nids à passion. Comme on la serrerait bien contre son cœur au bord des précipices ; quelles expansions, couchés sur l’herbe, au bruit des cascades, avec le bleu dans le cœur et sur la tête ! Mais tout cela n’est plus à notre usage, mon vieux, et a toujours été fort peu au mien.

Je répète qu’il fait atrocement chaud, les montagnes couvertes de neige au sommet sont éblouissantes. Phœbus darde toutes ses flèches. Messieurs les voyageurs confinés dans leurs cham-