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CORRESPONDANCE

j’éprouve la terreur qu’avaient les contemporains de Noé, quand ils voyaient la mer monter toujours. Les plus grands bénisseurs, tel que le père Hugo, commencent eux-mêmes à douter. Je voudrais disparaître de ce monde pendant 500 ans, puis revenir pour voir « comment ça se passe ». Ça sera peut-être drôle.

Un long baiser sur chaque main. Je vous écrirai de là-bas, au séjour des aigles. À propos d’aigle, comme les bonapartistes sont jolis ! Quels messieurs ! quelle moralité !


1463. À SA NIÈCE CAROLINE.
[Croisset], mercredi, 24 juin 1874.
Ma pauvre Fille,

J’ai reçu l’autre mardi ton télégramme de Malmoë, puis hier ta lettre commencée à Hambourg et finie à Stockholm. Aurai-je une lettre de toi avant samedi prochain, qui est le jour de mon départ pour la Suisse ? Sitôt arrivé à Kaltbad, je t’enverrai un télégramme qui peut-être ne te trouvera pas, car où es-tu maintenant ? Il me paraît difficile d’avoir une correspondance régulière. Tu devrais bien me faire un programme de vos séjours.

Mon petit voyage en Normandie a été charmant. Nous avons parcouru le département de l’Orne et celui du Calvados. Voici nos stations : la Ferté-Macé, Domfront, Condé-sur-Noireau, Caen, Bayeux, Port-en-Bessin, Arromanches,