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CORRESPONDANCE

fût-elle détestable. Ce qu’il m’a montré vaut bien tout ce qu’on imprime chez les Parnassiens… Avec le temps, il gagnera de l’originalité, une manière individuelle de voir et de sentir (car tout est là) ; pour ce qui est du résultat, du succès, qu’importe ! Le principal en ce monde est de tenir son âme dans une région haute, loin des fanges bourgeoises et démocratiques. Le culte de l’Art donne de l’orgueil ; on n’en a jamais trop. Telle est ma morale.

Adieu, ma chère Laure, ou plutôt au revoir, car d’ici peu il faudra nous voir. Il me semble que nous en avons besoin. En attendant ce plaisir-là, je t’embrasse fraternellement.


1364. À GEORGES SAND.
[Paris] mardi, 11 mars 1873.
Chère Maître

Si je ne suis pas chez vous, la faute est au grand Tourgueneff. Je me disposais à partir pour Nohant, quand il m’a dit : « Attendez, j’irai avec vous au commencement d’avril ». Il y a de cela quinze jours. Je le verrai demain chez Mme Viardot et je le prierai d’avancer l’époque, car ça commence à m’impatienter. J’éprouve le besoin de vous voir, de vous embrasser, et de causer avec vous. Voilà le vrai.

Je commence à me re-sentir d’aplomb. Qu’ai-je eu depuis quatre mois ? Quel trouble se passait dans les profondeurs de mon individu ? Je