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DE GUSTAVE FLAUBERT.

vrai, il y a peu de jours dans ma vie où j’aie autant souffert ! Je parle très sérieusement, et Dieu sait combien je me suis contenu. Carvalho, accoutumé à des gens plus commodes (parce qu’ils sont moins consciencieux), en était tout ébahi. Et, franchement, il est patient. Les changements qu’il me demandait, à l’heure qu’il est sont faits, sauf un ; donc, ce n’était ni long ni difficile. N’importe ! ça m’a bouleversé. Il y a un point sur lequel je n’ai pas cédé. Il voudrait que je profitasse « de mon style » pour faire deux ou trois gueulades violentes. Ainsi, à propos de Julien, une tirade contre les petits journaux de Paris. Bref, le bon Carvalho demande du scandale. Nenni ! je ne me livrerai pas aux tirades qu’il demande, parce que je trouve cela facile et canaille. C’est en dehors de mon sujet ! C’est anti-esthétique ! Je n’en ferai rien.

En résumé, le deuxième et le troisième actes sont fondus en un seul (je n’ai enlevé qu’une scène), et la pièce aura quatre actes. L’Oncle Sam ne dépassera pas les premiers jours de février. Carvalho voulait même me ramener avec lui à Paris. Toutes mes corrections seront faites demain ou après-demain. Donc, vers la fin de la semaine prochaine, je fermerai Croisset et irai là-bas. Je suis, d’avance, énervé de tout ce que je vais subir ! et je regrette maintenant d’avoir composé une pièce ! On devrait faire de l’Art exclusivement pour soi : on n’en aurait que les jouissances ; mais, dès qu’on veut faire sortir son œuvre du « silence du cabinet », on souffre trop, surtout quand on est, comme moi, un véritable écorché. Le moindre contact me déchire. Je suis plus que