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CORRESPONDANCE

est un joli tour de force. Votre Mme de Thièvre avec son cachemire, qu’elle fait jouer sur ses grasses épaules, est-elle assez Restauration ! Et l’oncle qui veut souffler au neveu sa grisette ! Et Antoine, le bon gros ferblantier si poli au théâtre ! Le Russe est un simple, un homme naturel, ce qui n’est pas facile à faire.

Quand j’ai vu Francia lui enfoncer son poignard dans le cœur, j’ai d’abord froncé le sourcil, craignant que ce fût une vengeance classique, qui dénaturât le charmant caractère de cette bonne fille. Mais pas du tout ! Je me trompais, cet assassinat inconscient complète votre héroïne.

Ce qui me frappe dans ce livre-là, c’est qu’il est très spirituel et très juste. On est en plein dans l’époque.

Je vous remercie du fond du cœur pour cette double lecture. Elle m’a détendu. Tout n’est donc pas mort ? Il y a encore du beau et du bon monde ?


1355. À GEORGE SAND.
[Croisset] mercredi [4 décembre 1872.]
Chère Maître,

Je relève une phrase dans votre dernière lettre : « L’éditeur aurait du goût si le public en avait… ou si le public le forçait à en avoir. » Mais c’est demander l’impossible ! Ils ont des idées littéraires, croyez-le bien, ainsi que MM. les directeurs de théâtre. Les uns et les autres pré-