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DE GUSTAVE FLAUBERT.

décembre, passer quelques jours à Paris, puis de revenir ici ; mais ce serait trop triste de rentrer seul dans cette maison. J’aime mieux attendre encore six semaines, pour ne revenir ici qu’au mois de mai. Je ne me console pas de la mort de mon pauvre Théo ! Lui et Bouilhet partis, je ne vois plus pour qui écrire. Je sens que je suis un fossile, un individu qui n’a plus de raison d’être dans le monde, maintenant. Mais parlons de vous, Princesse, c’est meilleur. Vous me paraissez toujours de même et vaillante ; ne changez pas. La mélancolie est le plus abominable des vices pour soi et pour les autres.

Votre installation de la rue de Berri avance-t-elle ? En êtes-vous contente ?

Tourgueneff, après m’avoir fait attendre sa visite de semaine en semaine pendant deux mois, m’a déclaré qu’il ne viendrait pas parce qu’il est dans son lit, cloué par la goutte. Il a voulu aller à Saumur, au baptême de sa petite-fille et « a hurlé de douleur » pendant deux jours. Le pauvre garçon me paraît être, d’après ses lettres, dans un état lamentable.

Mme Sand est à Nohant. Elle m’a envoyé la semaine dernière deux livres d’elle, Nanon et Francia que j’ai lus avec plaisir. Elle fait tout ce qu’elle peut pour me remonter le moral, et m’invite beaucoup à aller chez elle. Mais je suis pour le moment un trop sot et triste animal. Ce serait de la cruauté que d’infliger ma compagnie à ceux que j’aime. J’ai reçu de Judith Catulle Mendès[1]

  1. Seconde fille de Théophile Gautier, mariée à Catulle Mendès.