Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 6.djvu/38

Cette page a été validée par deux contributeurs.
32
CORRESPONDANCE

Louis-Philippe, « sans jugement ». C’est comme ça qu’on sert la cause du progrès.


1030. À GEORGE SAND.
[Croisset, fin juin-début juillet 1860.]

Quelle bonne et charmante lettre que la vôtre, maître adorée ! Il n’y a donc plus que vous, ma parole d’honneur ! Je finis par le croire. Un vent de bêtise et de folie souffle maintenant sur le monde. Ceux qui se tiennent debout, fermes et droits, sont rares.

Voici ce que j’ai voulu dire en écrivant que le temps de la politique était passé. Au dix-huitième siècle, l’affaire capitale était la diplomatie. « Le secret des cabinets » existait réellement. Les peuples se laissaient encore assez conduire pour qu’on les séparât et qu’on les confondît. Cet ordre de choses me paraît avoir dit son dernier mot en 1815. Depuis lors, on n’a guère fait autre chose que de disputer sur la forme extérieure qu’il convient de donner à l’être fantastique et odieux appelé l’État.

L’expérience prouve (il me semble) qu’aucune forme ne contient le bien en soi ; orléanisme, république, empire ne veulent plus rien dire, puisque les idées les plus contradictoires peuvent entrer dans chacun de ces casiers. Tous les drapeaux ont été tellement souillés de sang et de m… qu’il est temps de n’en plus avoir du tout. À bas les mots ! Plus de symboles ni de fétiches ! La