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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1267. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Dimanche soir. Paris. [Début de février 1872].

Je suis content que la Préface vous ait plu. Demain vous recevrez un autre morceau de moi, dans un genre différent. J’ai peut-être eu tort de l’écrire. Mais le silence eût été de la lâcheté, et puis tant pis ! J’ai expectoré ma bile, ça me soulage.

Depuis deux mois et demi, j’ai mené une vie atroce. Mes plus longues nuits du 25 novembre au 8 janvier ont été de cinq heures, car personne ne m’a aidé et ma besogne a été rude.

J’ai imprimé Dernières Chansons et Aïssé. J’ai écrit une Lettre au Conseil municipal de Rouen, et j’ai monté seul, absolument seul Aïssé ! À la troisième représentation, c’est encore moi qui conduisais les figurants et, le jour de la première, j’ai porté de mes mains les accessoires du premier acte. C’est vous dire quelle jolie administration c’est que l’Odéon. Il m’a fallu (pour qu’elle ne fût pas tout à fait honteuse) donner des répétitions particulières à Mme Colombier. J’ai manqué de tuer le souffleur ! etc., etc. Ah ! c’était joli ! et pendant huit jours j’ai pataugé dans la neige du parc Monceau à l’Odéon, car les voitures ne marchaient pas. J’étais quelquefois si fatigué que rentré chez moi je me mettais à pleurer comme un enfant. Quand j’avais corrigé mes épreuves à minuit je commençais ma vaste correspondance. Comment n’en suis-je pas crevé ? Voilà ce qui m’étonne. Enfin, me voilà quitte et avant-hier j’ai