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CORRESPONDANCE

auxquels je n’ai pas donné cours, et je le regrette […].

Êtes-vous heureuse d’être à Rome ? Quel pays ! je l’ai presque oublié. Ah ! Si je pouvais y passer un an, comme ça me retremperait ! N’oubliez pas de vous promener dans la campagne de Rome, le plus que vous pourrez, et d’aller jusqu’à Ostie. […].

Ne sentez-vous pas, ô Latine, que les mânes des Consuls ont envie de vous baiser quand vous errez le long de leurs murs ? Ils reconnaissent en vous une fille de leur race. Vous étiez faite pour porter la stole patricienne, marcher pieds nus dans des sandales à rubans de pourpre et avoir sur le front toutes les pierreries de Bactriane. […]

Quand revenez-vous ? Voilà ce que j’ai cherché dans votre épître. Mais vous ne parlez pas de retour. Il aura lieu sans doute après Pâques ? Bien qu’il m’ennuie de vous, profitez du bon temps, ne passez rien ! Un voyage raté laisse des regrets infinis, et l’on voit mal ce que l’on voit vite.

Allons, adieu, portez-vous bien. Amusez-vous bien ouvrez de toutes vos forces vos grands quinquets et pensez à votre vieux

G. F.
qui vous aime, malgré la littérature.

Pauvres ouvriers que nous sommes ! Pourquoi nous refuse-t-on ce qu’on accorde gratuitement au moindre bourgeois ? Ils ont du cœur, eux ! Mais nous autres ? Allons donc, jamais de la vie ! Quant à moi, je vous répète une fois de plus que je suis une âme incomprise, la dernière des grisettes, le seul survivant de la vieille race des troubadours ! Mais vous ne voulez pas me croire.