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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1245. À MADAME ROGER DES GENETTES.
Paris [entre le 5 et le 12 décembre 1871].

Vous avez donc pris la résolution que je redoutais : abandonner Paris ? Comme c’est triste ! Comme tout est triste ! Cette lettre funèbre m’a été envoyée de Croisset, car je suis ici depuis quinze jours et voici le résumé de mes petites occupations : 1o  je dirige les répétitions d’Aïssé ; comme Chilly est fort malade et Duquesnel fort incapable, il faut que je me mêle des décors, des costumes, de la mise en scène, bref de tout. 2o  je fais imprimer le volume de vers de Bouilhet et je suis au milieu des imprimeurs et des graveurs. Je tiens à faire paraître ce livre en même temps que la pièce. Je galope, au milieu d’un froid de dix-sept degrés, du parc Monceau au boulevard Montparnasse et à l’Odéon. Les acteurs répètent tous les jours, le dimanche compris, et je ne les quitte plus ; 3o  vous savez que nous voulons faire à Rouen un petit monument à Bouilhet. De ce côté-là, encore, j’ai des embarras graves. Il me semble que je manie son cadavre tout le long de la journée ! Jamais plus large dégoût de la vie ne m’a submergé. Tant que je suis dans l’action, je m’y livre avec furie et sans la moindre sensibilité. Mais j’ai des heures « dans le silence du cabinet » qui ne sont pas drôles.

Saint Antoine est complètement mis de côté. À peine si je peux, de temps à autre, accrocher ou plutôt décrocher une heure pour relever une