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DE GUSTAVE FLAUBERT.

qu’il nous faut avant tout, c’est une aristocratie naturelle, c’est-à-dire légitime. On ne peut rien faire sans tête, et le suffrage universel, tel qu’il existe, est plus stupide que le droit divin. Vous en verrez de belles, si on le laisse vivre. La masse, le nombre, est toujours idiot. Je n’ai pas beaucoup de convictions, mais j’ai celle-là fortement. Cependant il faut respecter la masse, si inepte qu’elle soit, parce qu’elle contient des germes d’une fécondité incalculable. Donnez-lui la liberté, mais non le pouvoir.

Je ne crois pas plus que vous aux distinctions des classes. Les castes sont de l’archéologie. Mais je crois que les pauvres haïssent les riches et que les riches ont peur des pauvres. Cela sera éternellement. Prêcher l’amour aux uns comme aux autres est inutile. Le plus pressé est d’instruire les riches, qui, en somme, sont les plus forts. Éclairez le bourgeois, d’abord, car il ne sait rien, absolument rien. Tout le rêve de la démocratie est d’élever le prolétaire au niveau de bêtise du bourgeois. Le rêve est en partie accompli. Il lit les mêmes journaux et a les mêmes passions.

Les trois degrés de l’instruction ont donné leurs preuves depuis un an : 1o  l’instruction supérieure a fait vaincre la Prusse ; 2o  l’instruction secondaire, bourgeoise, a produit les hommes du 4 Septembre ; 3o  l’instruction primaire nous a donné la Commune. Son ministre de l’instruction publique était le grand Vallès, qui se vantait de mépriser Homère.

Dans trois ans, tous les Français peuvent savoir lire. Croyez-vous que nous en serons plus avancés ? Imaginez au contraire que, dans chaque commune,