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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1185. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mercredi soir [14 juin 1871].

Je ne m’amuse pas extraordinairement, ma chère Caro, et même, pour dire la vérité, je m’embête considérablement. Mon voyage à Paris m’a dévissé, et le travail ne va pas. Je n’ai pas le cœur à l’ouvrage. L’état mental de Paris, bien plus que ses ruines, m’a rempli d’une mélancolie noire.

J’ai eu cependant, aujourd’hui, la compagnie de la mère Lebret qui a déjeuné et dîné avec nous ! Dîné à 6 heures juste, si bien que j’ai faim maintenant. Ah ! La vie n’est pas tous les jours drôle !

Je te prie de me faire deux commissions :

1o Vois, sur le boulevard Montmartre, 18, si le sieur Suireau, lampiste, existe encore, et demande-lui si je peux lui envoyer mes deux carcels, éreintés par messieurs les Prussiens, nos sauveurs.

2o Fais-moi le plaisir de te transporter chez Benjamin Duprat, libraire, rue du Cloître-saint-Benoît, 7, près le Collège de France, et demande-lui le Lotus de la Bonne Loi, traduit, je crois, par Foucaux[1]. Ce doit être un in-4o. Si c’était trop cher, c’est-à-dire si ça dépassait 20 francs, je m’en priverais. Sinon, achète-le, et envoie-le moi par le chemin de fer. Je ne peux pas me débrouiller avec mes dieux de l’Inde ! J’aurais besoin, pour mon travail, d’être à Paris, afin de consulter un tas de livres et de causer avec des savants spéciaux ! Monsieur est agacé…

  1. Le Lotus de la Bonne Loi a été traduit par E. Burnouf. Paris, 1812, 1 vol. in-4o (Imprimerie Nationale).