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DE GUSTAVE FLAUBERT.

1166. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, mercredi, 2 heures [5 avril 1871].
Ma chère Caro,

Contrairement à mon attente, je me trouve très bien à Croisset, et je ne pense pas plus aux Prussiens que s’ils n’y étaient pas venus ! Il m’a semblé très doux de me retrouver au milieu de mon vieux cabinet et de revoir toutes mes petites affaires ! Mes matelas ont été rebattus, et je dors comme un loir. Dès samedi soir, je me suis remis au travail et, si rien ne me dérange, j’aurai fini mes Hérésies à la fin de ce mois. Enfin, pauvre chérie, il ne me manque rien que la présence de ceux, ou plutôt de celles que j’aime, petit groupe où vous occupez le premier rang, ma belle dame.

J’avais la boule complètement perdue, quand nous nous sommes retrouvés au commencement de février ; mais, grâce à toi, à ta gentille société et à ton bon intérieur, je me suis remis peu à peu, et maintenant j’attends le jour où tu reviendras ici (pour un mois, j’espère). Le jardin va devenir très beau : les bourgeons poussent ; il y a des primevères partout. Quel calme ! J’en suis tout étourdi !

J’ai passé la journée de dimanche dans un abrutissement plein de douceur. Je revoyais le temps où mon pauvre Bouilhet entrait, le dimanche matin, avec son cahier de vers sous le bras, quand le père Parain circulait par la maison, en portant le journal sur sa hanche, et que toi,