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CORRESPONDANCE

Ce n’est pas parce que Paris est devenu « un foyer pestilentiel » que je n’y vais pas, car de cela je me fiche profondément. Mais le chemin de fer ne prend pas encore les bagages et je ne puis retourner dans ma mansarde rien qu’avec un simple sac de nuit. Répondez-moi à Croisset ; on me fera parvenir votre lettre. J’adresse celle-ci à Mantes, où vous devez être revenue.


1151. À GEORGE SAND.
Dieppe, 11 mars 1871.
Chère Maître,

Quand se reverra-t-on ? Paris ne m’a pas l’air drôle. Ah ! dans quel monde nous allons entrer ! Paganisme, christianisme, muflisme : voilà les trois grandes évolutions de l’humanité. Il est triste de se trouver au début de la troisième.

Je ne vous dirai pas tout ce que j’ai souffert depuis le mois de septembre. Comment n’en suis-je pas crevé ? Voilà ce qui m’étonne. Personne n’a été plus désespéré que moi. Pourquoi cela ? J’ai eu de mauvais moments dans ma vie, j’ai subi de grandes pertes, j’ai beaucoup pleuré, j’ai ravalé beaucoup d’angoisses. Eh bien ! toutes ces douleurs accumulées ne sont rien en comparaison de celle-là. Et je n’en reviens pas. Je ne me console pas. Je n’ai aucune espérance.

Je ne me croyais pas progressiste et humanitaire, cependant. N’importe ! j’avais des illusions ! Quelle barbarie ! Quelle reculade ! J’en veux à