Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 6.djvu/183

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
177
DE GUSTAVE FLAUBERT.

qu’après une affaire importante sur la Loire. Elle doit se combiner avec la sortie de Trochu. Le sort de la Normandie (et celui de la France) dépend de cette double action. Si elle n’est pas décisive, la guerre peut durer encore longtemps, car Paris a assez de vivres pour résister jusqu’à la fin de janvier et peut-être au delà. Mais quand le moment sera venu de faire la paix, avec qui la Prusse pourra-t-elle traiter, puisque nous n’avons pas de gouvernement ? Il faudra en nommer un, ce qui prolongera le séjour de nos ennemis dans notre lamentable pays.

Comme j’ai envie de le quitter définitivement ! Je voudrais vivre dans une région où l’on ne fût pas obligé d’entendre le tambour, de voter, de se battre, bien loin de toutes ces horreurs, qui sont encore plus bêtes qu’atroces. Par-dessus le chagrin qui m’accable, j’ai un ennui sans nom, un dégoût de tout, inexprimable.

Je regrette bien de n’avoir pas envoyé ta grand’mère avec toi, comme j’en avais l’intention, et de n’être pas parti à Paris ! Là, au moins, je me serais occupé, j’aurais fait quelque chose et je ne serais pas dans l’état où je suis.

À quoi puis-je employer mon temps ? Je n’ai pour compagnie que celle de ta grand’mère, qui n’est pas gaie et qui s’affaiblit de jour en jour ! Pourquoi es-tu partie, mon pauvre Caro ! Ta gentille société nous soutiendrait. Ce que je dis là est bien égoïste, car tu es mieux à Londres qu’à Dieppe. Mais nous nous ennuyons de toi, tous les trois, bien profondément, je t’assure.

Une fois par semaine, je dîne chez les Lapierre qui sont des gens fort aimables et d’un bon moral.