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DE GUSTAVE FLAUBERT.

et de chagrin. Je vous assure que j’ai voulu faire le bien. Impossible !

Quelle misère ! J’ai eu aujourd’hui à ma porte deux cent soixante et onze pauvres, et on leur a donné à tous ! Que sera-ce cet hiver ?

Les Prussiens sont maintenant à douze heures de Rouen, et nous n’avons pas d’ordres, pas de commandement, pas de discipline, rien, rien ! On nous berne toujours avec l’armée de la Loire. Où est-elle ? En savez-vous quelque chose ? Que fait-on dans le centre de la France ?

Paris finira par être affamé, et on ne lui porte aucun secours !

Les bêtises de la République dépassent celles de l’Empire. Se joue-t-il en dessous quelque abominable comédie ? Pourquoi tant d’inaction ?

Ah ! comme je suis triste ! Je sens que le monde s’en va.


1133. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Dimanche [13 octobre 1870].

Chaque jour je remets au lendemain à vous écrire, espérant que j’aurai quelque chose de décisif à vous annoncer[1]. Mais rien ; nous nous enfonçons petit à petit, comme un vaisseau qui sombre, sans pouvoir même prévoir au juste le moment de notre disparition finale. Dimanche dernier, nous nous attendions ici à 80 mille Prussiens ; on ne nous en promet plus que 70 mille,

  1. La princesse Mathilde était à cette époque à Mons (Belgique).