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CORRESPONDANCE

belle entrée pour Spendius et Mâtho. N’importe ! Mon aqueduc est une lâcheté ! Confiteor.

6o  Autre et dernière coquinerie : Hannon.

Par amour de la clarté, j’ai faussé l’histoire quant à sa mort. Il fut bien, il est vrai, crucifié par les Mercenaires, mais en Sardaigne. Le général crucifié à Tunis en face de Spendius s’appelait Hannibal. Mais quelle confusion cela eût fait pour le lecteur !

Tel est, cher maître, ce qu’il y a, selon moi, de pire dans mon livre. Je ne vous dis pas ce que j’y trouve de bon. Mais soyez sûr que je n’ai point fait une Carthage fantastique. Les documents sur Carthage existent, et ils ne sont pas tous dans Movers. Il faut aller les chercher un peu loin. Ainsi Ammien Marcellin m’a fourni la forme exacte d’une porte, le poème de Corippus (la Johannide) beaucoup de détails sur les peuplades africaines, etc.

Et puis mon exemple sera peu suivi. Où donc alors est le danger ? Les Leconte de Lisle et les Baudelaire sont moins à craindre que les… et les… dans ce doux pays de France où le superficiel est une qualité et où le banal, le facile et le niais sont toujours applaudis, adoptés, adorés. On ne risque de corrompre personne quand on aspire à la grandeur. Ai-je mon pardon ?

Je termine en vous disant encore une fois merci, mon cher maître. En me donnant des égratignures, vous m’avez très tendrement serré les mains et, bien que vous m’ayez quelque peu ri au nez, vous ne m’en avez pas moins fait trois grands saluts, trois grands articles très détaillés, très considérables et qui ont dû vous être plus pénibles qu’à