Vous me demandez où j’ai pris une pareille idée du Conseil de Carthage ? Mais dans tous les milieux analogues par les temps de révolution, depuis la Convention jusqu’au Parlement d’Amérique, où naguère encore on échangeait des coups de canne et des coups de revolver, lesquelles cannes et lesquels revolvers étaient apportés (comme mes poignards) dans la manche des paletots. Et même mes Carthaginois sont plus décents que les Américains, puisque le public n’était pas là. Vous me citez, en opposition, une grosse autorité, celle d’Aristote. Mais Aristote, antérieur à mon époque de plus de quatre-vingts ans, n’est ici d’aucun poids. D’ailleurs il se trompe grossièrement, le Stagyrique, quand il affirme qu’on n’a jamais vu à Carthage d’émeute ni de tyran. Voulez-vous des dates ? En voici : il y avait eu la conspiration de Carthalon, 530 avant Jésus-Christ ; les empiétements des Magon, 460 ; la conspiration d’Hannon, 337 ; la conspiration de Bomilcar, 307. Mais je dépasse Aristote ! À un autre.
Vous me reprochez les escarboucles formées par l’urine des lynx. C’est du Théophraste, Traité des pierreries : tant pis pour lui ! J’allais oublier Spendius. Eh bien, non, cher maître, son stratagème n’est ni bizarre ni étrange. C’est presque un poncif. Il m’a été fourni par Elien (Histoire des animaux) et par Polyen (Stratagèmes). Cela était même si connu depuis le siège de Mégare par Antipater (ou Antigone), que l’on nourrissait exprès des porcs avec les éléphants pour que les grosses bêtes ne fussent pas effrayées par les petites. C’était, en un mot, une farce usuelle, et probablement fort usée au temps de Spendius. Je n’ai pas été obligé