Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
57
DE GUSTAVE FLAUBERT.

d’Hamaker) ne sont pas simples comme vous l’entendez. Et puis vous m’accorderez que les Grecs ne comprenaient rien au monde barbare. S’ils y avaient compris quelque chose, ils n’eussent pas été des Grecs. L’Orient répugnait à l’hellénisme. Quels travestissements n’ont-ils pas fait subir à tout ce qui leur a passé par les mains d’étranger ! J’en dirai autant de Polybe. C’est pour moi une autorité incontestable, quant aux faits ; mais tout ce qu’il n’a pas vu (ou ce qu’il a omis intentionnellement, car lui aussi il avait un cadre et une école), je peux bien aller le chercher ailleurs. Le Périple d’Hannon n’est donc pas « un monument carthaginois », bien loin « d’être le seul » comme vous le dites. Un vrai monument carthaginois, c’est l’inscription de Marseille, écrite en vrai punique. Il est simple, celui-là, je l’avoue, car c’est un tarif, et encore l’est-il moins que ce fameux Périple où perce un petit coin de merveilleux à travers le Grec ; ne fût-ce que ces peaux de gorilles prises pour des peaux humaines et qui étaient suspendues dans le temple de Moloch (traduisez Saturne), et dont je vous ai épargné la description. Et d’une ! Remerciez-moi. Je vous dirai même entre nous que le périple d’Hannon m’est complètement odieux pour l’avoir lu et relu avec les quatre dissertations de Bougainville (dans les Mémoires de l’Académie des inscriptions), sans compter mainte thèse de doctorat — le Périple d’Hannon étant un sujet de thèse.

Quant à mon héroïne, je ne la défends pas. Elle ressemble selon vous à « une Elvire sentimentale », à Velléda, à Mme Bovary. Mais non ! Velléda est active, intelligente, européenne,