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DE GUSTAVE FLAUBERT.

980. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, mercredi soir [juillet 1868].

Je m’ennuie de vous extrêmement, Princesse, et il me serait très agréable d’avoir de vos nouvelles.

Que devenez-vous ? La statuette[1] avance-t-elle ? En êtes-vous contente ? Qui sont vos hôtes, maintenant ?

Depuis que je vous ai quittée, je n’ai pas eu de révélations de Sainte-Beuve, ni de de Goncourt. Je vis absolument comme une huître et ne sais rien de rien. Mon abominable bouquin me donne du mal et j’y avance très lentement. Je ne pourrai pas l’avoir fini avant l’été prochain. Après quoi je n’en fais plus de pareil. Les bourgeois sont trop laids en nature pour s’éreinter à les peindre.

Un vieux rhumatisme, que j’ai attrapé dans les neiges de la Grèce, m’est revenu et m’a fait souffrir assez violemment.

Mais tout cela est peu de chose ; ce qui est plus triste, c’est d’être forcé, par le hasard des choses, à vivre loin de vous, Princesse, et à vous voir rarement.

J’espère, cependant, me procurer ce bonheur-là dans le milieu du mois prochain.

La politique se calme, n’est-ce pas ? Et on parle moins de guerre. On ne parle plus de la Lanterne ! Quel soulagement ! La France n’est pas forte tous les jours, il faut en convenir.

  1. Statuette de la Princesse par Auguste Barre.