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CORRESPONDANCE

il m’a entraîné une nuit aux Halles, mais je l’ai lâché à trois heures du matin, car j’étais gelé.

Monseigneur fait deux scénarios ; il m’a l’air, d’après ses lettres, un peu remonté. Tant mieux ! Car je t’assure qu’il était médiocrement sociable ; monsieur parlait de donner sa démission de bibliothécaire !!! etc. Oh ! les poètes ! En fait de poètes, mon brave ami Théo schlingue actuellement d’une si formidable façon que la société s’écarte de lui (sic) ; je le crois profondément malade et en suis inquiet. Quant au père Sainte-Beuve, il va mieux.

Comme nouvelles politiques, tu connais sans doute l’incident Kervéguen-Cassagnac et toutes ses phases[1] ; c’est d’un grotesque profond et d’une bêtise infinie. Je trouve d’ailleurs Paris changé cet hiver ; le souverain tourne à la victime, victime de sa majorité, laquelle rappelle par son ineptie les beaux jours de la rue de Poitiers. S’il cassait la Chambre, il regagnerait peut-être tout ce qu’il a perdu. La question ne me paraît pas tenir à lui. On sent qu’un changement de régime n’amènerait rien de neuf, et précisément parce que tout le monde crie contre l’Empire, je crois l’Empire solide. On

  1. Marie-Aimé-Philippe-Auguste Le Coat, vicomte de Kervéguen, député du Var, le 10 décembre 1867, avait, du haut de la tribune, en s’appuyant sur les assertions d’un obscur journal belge, la Finance, affirmé que 50 000 thalers avaient été mis par Bismarck à la disposition des principaux journaux, entre autres Le Siècle, l’Opinion nationale, les Débats, l’Avenir national. Mis en demeure de se justifier devant un jury d’honneur, il avait été contraint de reconnaître que ses accusations ne reposaient sur rien. Mais l’affaire revint de nouveau à la tribune, et le 19 février 1868 G. de Cassagnac avait repris pour son compte les mêmes affirmations, appuyant les dires de Kervéguen. (Note de René Decharmes, édition Santandréa.)