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CORRESPONDANCE

948. À JULES DUPLAN.
Croisset, dimanche [15 décembre 1867].

Comme je voudrais être avec toi, mon bon cher vieux : 1o parce que je serais avec toi ; 2o parce que je serais en Égypte ; 3o parce que je ne travaillerais pas ; 4o parce que je verrais le soleil, etc.

Tu n’imagines pas l’horrible temps qu’il fait aujourd’hui. Le ciel est grisâtre comme un pot de chambre mal lavé, et plus bête encore que laid.

Je vis actuellement tout à fait seul, ma mère étant à Rouen. Monseigneur vient me voir d’habitude tous les dimanches. Mais aujourd’hui, il traite, il donne à dîner à un tapissier de ses amis. Sa sérénité commence à revenir. Je crois qu’il est sur le point d’empoigner un sujet. Mais son changement de résidence l’avait complètement dévissé. J’ai reçu avant-hier une lettre de Maxime. Il me paraît en très bon état, rugissant d’ailleurs contre M. Thiers, lequel est maintenant le roi de France. Voilà où nous en sommes, mon bon, absolument cléricaux. Tel est le fruit de la bêtise démocratique ! Si on avait continué par la grande route de M. de Voltaire, au lieu de prendre par Jean-Jacques, le néo-catholicisme, le gothique et la fraternité, nous n’en serions pas là. La France va devenir une espèce de Belgique, c’est-à-dire qu’elle sera divisée franchement en deux camps. Tant mieux ! Quel coupable qu’Isidore ! Mais comme il faut toujours tirer de tout un agrément personnel, je me réjouis, quant à moi, du triom-