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DE GUSTAVE FLAUBERT.

938. À GEORGE SAND.
Croisset [1er  novembre 1867].
Chère maître,

J’ai été aussi honteux qu’attendri hier au soir en recevant votre « tant gente » épître. Je suis un misérable de n’avoir pas répondu à la première. Comment cela se fait-il ? Car ordinairement je ne manque pas d’exactitude.

Le travail ne va pas trop mal. J’espère avoir fini ma seconde partie au mois de février. Mais pour avoir tout terminé dans deux ans, il faut que, d’ici là, votre vieux ne bouge pas de son fauteuil. C’est ce qui fait que je ne vais pas à Nohant. Huit jours de vacances, c’est pour moi trois mois de rêverie. Je ne ferais plus que songer à vous, aux vôtres, au Berry, à tout ce que j’aurais vu. Mon malheureux esprit naviguerait dans des eaux étrangères. J’ai si peu de force !

Je ne cache pas le plaisir que m’a fait votre petit mot sur Salammbô. Ce bouquin-là aurait besoin d’être allégé de certaines inversions ; il y a trop d’alors, de mais et de et. On sent le travail.

Quant à celui que je fais, j’ai peur que la conception n’en soit vicieuse, ce qui est irrémédiable ; des caractères aussi mous intéresseront-ils ? On n’arrive à de grands effets qu’avec des choses simples, des passions tranchées. Mais je ne vois de simplicité nulle part dans le monde moderne.

Triste monde ! Est-ce assez déplorable et lamentablement grotesque, les affaires d’Italie ? Tous ces ordres, contre-ordres de contre-ordres des contre-