Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/305

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
DE GUSTAVE FLAUBERT.

En fait de nouvelles, Sainte-Beuve me paraît gravement malade et Bouilhet vient d’être nommé bibliothécaire à Rouen.

Depuis que les bruits de guerre se calment, on me semble un peu moins idiot. L’écœurement que la lâcheté publique me causait s’apaise.

J’ai été deux fois à l’Exposition ; cela est écrasant. Il y a des choses splendides et extra-curieuses. Mais l’homme n’est pas fait pour avaler l’infini ; il faudrait savoir toutes les sciences et tous les arts pour s’intéresser à tout ce qu’on voit dans le Champ de Mars. N’importe, quelqu’un qui aurait à soi trois mois entiers et qui viendrait là tous les matins prendre des notes s’épargnerait par la suite bien des lectures et bien des voyages.

On se sent là très loin de Paris, dans un monde nouveau et laid, un monde énorme qui est peut-être celui de l’avenir. La première fois que j’y ai déjeuné, j’ai pensé tout le temps à l’Amérique et j’avais envie de parler nègre.


913. À GEORGE SAND.
[Paris] vendredi matin [mai 1867].

Je m’en retourne vers ma mère lundi prochain, chère maître, et d’ici là je n’ai guère l’espoir de vous voir !

Mais quand vous serez à Paris, qui vous empêchera de pousser jusqu’à Croisset, où tout le monde vous adore, y compris moi !

Sainte-Beuve a enfin consenti à voir un spécialiste et à se faire sérieusement traiter. Aussi va-t-il mieux. Son moral est remonté.