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DE GUSTAVE FLAUBERT.

robes blanches. L’ensemble de tous ces gens qui se remuent (sans que j’entende rien de la musique) me paraît étrange et fou. Tout à l’heure la lune brillait dans le ciel, un peu à droite, à côté de la maison, et cette grandeur et cette petitesse faisaient un contraste qui avait du cachet.

M. René de Maricourt n’a rien d’attrayant à première vue, mais je le crois un excellent garçon, et très malheureux, très à plaindre. Il m’a dit que son frère était un fou fieffé : le gaillard aimait beaucoup les cocottes et le vin, particulièrement celui d’Asti ; dix bouteilles de ce cru ne l’effrayaient pas. Avant de servir le pape, il avait été soldat de Garibaldi et avait fait toutes sortes d’extravagances.

Adieu, mon bibi. Je t’embrasse bien fort.

Ton vieux ganachon qui t’aime.

P.-S. — Dis à ta bonne maman de m’écrire. Nos deux dernières lettres se sont croisées, et franchement elle doit être moins fatiguée d’écrire que moi.

Je n’ai pas bougé de mon domicile depuis dimanche soir. Mais demain je me lève à 9 heures et me mets en courses. J’en ai quatorze d’inscrites sur ma liste. Forte journée de voiture, hélas !

J’ai eu hier à déjeuner Ernest Chevalier.

Ton mari a pu te dire qu’il m’avait surpris buvant le champagne dans des seaux et dansant le cancan avec des demoiselles de l’Opéra. B*** n’est pas très éloigné de se figurer de cette façon la vie que je mène à Paris. Pourquoi sa lettre m’a-t-elle révolté ? C’est bête, de ma part : n’importe ! sa lettre m’a choqué.