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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Quant à gagner de l’argent avec ma plume, c’est une prétention que je n’ai jamais eue, m’en reconnaissant radicalement incapable.

Il faut donc vivre en petit rentier de campagne, ce qui n’est pas extrêmement drôle. Mais tant d’autres, qui valent mieux que moi, n’ayant pas le sol, ce serait injuste de se plaindre. Accuser la Providence est d’ailleurs une manie si commune, qu’on doit s’en abstenir par simple bon ton.

Encore un mot sur le pécune et qui sera seulement entre nous. Je peux, sans que ça me gêne en rien, dès que je serai à Paris, c’est-à-dire du 20 au 23 courant, vous prêter mille francs, si vous en avez besoin pour aller à Cannes. Je vous fais cette proposition carrément, comme si je la faisais à Bouilhet ou à tout autre intime. Pas de cérémonie ! voyons !

Entre gens du monde, ça ne serait pas convenable, je le sais ; mais entre troubadours on se passe bien des choses.

Vous êtes bien gentille avec votre invitation d’aller à Nohant. J’irai, car j’ai grande envie de voir votre maison. Je suis gêné de ne pas la connaître, quand je pense à vous. Mais il me faut reculer ce plaisir-là jusqu’à l’été prochain. J’ai actuellement besoin de rester à Paris quelque temps. Trois mois ne sont pas de trop pour tout ce que je veux faire.

Je vous renvoie la page de ce bon Barbès, dont je connais la vraie biographie fort imparfaitement. Tout ce que je sais de lui, c’est qu’il est honnête et héroïque. Donnez-lui une poignée de main de ma part, pour le remercier de sa sympathie. Est-il, entre nous, aussi intelligent que brave ?