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DE GUSTAVE FLAUBERT.

882. À MADEMOISELLE LEROYER DE CHANTEPIE.
Croisset, 13 décembre 1866.

Non, chère Demoiselle, je ne trouve pas ridicule votre douleur à propos de la perte d’un petit chien. Qu’on aime une bête ou un homme (la différence n’est pas si grande), le beau est d’aimer. Nous ne valons quelque chose que par notre puissance d’affection ; c’est pour cela que vous valez beaucoup. Je sympathise avec vous, n’en doutez pas, et bien que nous ne connaissions pas nos visages, je vous considère comme une amie.

J’ai eu, il y a un mois, Mme Sand pendant une semaine chez moi et nous avons beaucoup parlé de vous. Elle vous aime et vous estime. Nous avons vainement cherché tous les deux à, ou en quoi, nous pourrions vous être utiles, comment faire, c’est-à-dire, pour vous tirer de l’état lamentable où vous restez plongée. Cela dépasse ses forces et les miennes. Il faut faire appel à votre volonté ; mais n’a pas de volonté qui veut.

Cependant ne pourriez-vous pas arriver, par une hygiène intellectuelle, à vous étourdir sur vos souffrances ? Si vous vous donniez des occupations forcées, une grande tâche à accomplir ? Entreprenez de longues lectures, en vous divisant la besogne, heure par heure, d’une façon monacale.

Vous a-t-on conseillé l’hydrothérapie ? L’eau froide réussit parfois très bien dans les névroses. Cela ôte les langueurs. Essayez, rien ne coûte ; et puis sortez donc de votre milieu ! Il le faut, il le faut ! Promenez-vous, entendez de la musique.