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DE GUSTAVE FLAUBERT.

860. À LA PRINCESSE MATHILDE.
Croisset, dimanche.

Pas du tout, Princesse. Gardez-la, cette chère petite croix que vous m’avez donnée. J’aurai bien plus de plaisir, à la recevoir de vous-même, de vos mains, que par la poste. Ce sera en doubler la valeur. J’aime les choses complètes.

Et ne vous excusez plus pour votre « griffonnage » que je lis très couramment.

Donc j’en demande le plus possible.

J’aimerais mieux, cependant, vous entendre et vous voir. Ce n’est pas par caprice ou manie que je reste si longtemps privé de ce plaisir-là. Hélas ! J’y suis contraint par une foule de nécessités très fâcheuses.

Dans les quarante-huit heures que j’ai passées à Paris, il y a quinze jours, j’ai trouvé nos compatriotes encore plus bêtes que jamais.

Oh ! les bourgeois !…

Mais si le régime prussien est adopté, les choses peut-être changeront. Alors tout le monde, portant le fusil, saura qu’il doit mourir pour une idée. Cela nettoiera les consciences et enlèvera la crasse épicière qui obscurcit les cerveaux.

Ne le pensez-vous pas, Princesse, vous qui avez le cœur si haut et l’esprit si ferme ? C’est pour cela qu’on vous aime et pour tout le reste aussi.

Merci de vos bons souvenirs, et permettez-moi de vous baiser les deux mains en vous assurant,