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CORRESPONDANCE

une idée arriérée que de voir dans la dette publique une banqueroute future. Tous les États européens sont dans une situation pire encore que la nôtre. On ne fait plus de banqueroute, maintenant. « Vieux jeu !!! »

L’Angleterre et la Russie sont actuellement avec nous. L’Empereur tient l’Autriche sous son genou, et jusqu’à présent, dans cette question de politique extérieure, je le trouve démesurément fort, quoi qu’on dise. Rien n’est sot comme de répondre de l’avenir. Cependant je serais, moi, dans les affaires, que j’irais très crânement, maintenant (et j’achèterais de l’Italien).

L’emprunt Ottoman donne 25 p. 100. Voilà tout ce que je sais, mon bibi !

À propos de Bismarck, ce qu’on a dit de la mort de son assassin est une blague. Il l’a arrêté lui-même et l’a étranglé avec les deux mains, ce que je trouve assez chic.

Sais-tu ce qui me fait croire qu’on donnera les provinces danubiennes à l’Autriche ? C’est que personne n’a succédé à Couza — indice peu remarqué.

En résumé je crois que, si la guerre a lieu, nous y participerons très peu et qu’elle se finira vite. La France ne peut pas laisser détruire son œuvre, à savoir l’unité italienne, et elle ne peut pas elle-même détruire l’Autriche, car ce serait livrer l’Europe à la Russie. Donc, nous nous tiendrons au milieu, en empêchant qu’on ne se batte trop fort. Mais l’Autriche perdra quelques plumes de son aile, et La Chaussée ne sera pas maréchal de France. Tu sais bien que j’ai fait beaucoup de démarches pour lui.