Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 5.djvu/171

Cette page a été validée par deux contributeurs.
165
DE GUSTAVE FLAUBERT.

Je vois, mon bibi, que tu te lances dans la société rouennaise. Ma lettre t’arrivera demain, au milieu de tes préparatifs pour aller au bal de M. le Préfet. Madame aime le monde. Madame sait qu’elle est jolie. Madame aime à se l’entendre dire.

Quant à moi, je ne suis jamais moins sorti. J’ai refusé pour demain une place dans une très belle loge à l’Opéra, où l’on joue Roland[1]. J’ai de même refusé pour mardi un dîner chez Charles-Edmond, où l’on s’amuse beaucoup d’habitude. Je reste le soir chez moi, tranquillement, et je recommence à travailler. Mon bouquin m’assomme un peu moins et, depuis mon séjour ici, j’ai écrit prés de dix pages, assez faibles, il est vrai. Tu es bien gentille, pauvre chérie, de m’envoyer des encouragements et des consolations. J’ai besoin des uns et des autres. Le fond de l’air n’est pas gai en moi.

Tu me dis de penser quelquefois à toi, ma chère Caroline. J’y pense bien souvent, va ! Mon existence a beaucoup changé depuis que nous ne vivons plus sous le même toit et il faut que ton mari soit un aussi bon garçon qu’il est pour que je lui pardonne de m’avoir pris ton charmant individu.

Redonne-moi le numéro du régiment de La Chaussée. Je ne veux pas en avoir le démenti. J’ai eu aujourd’hui, chez moi, l’artiste Feydeau que je n’avais pas encore vu. Son journal[2] paraît le 25 de ce mois.

  1. Roland à Roncevaux, opéra de Mermet.
  2. L’Époque.