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DE GUSTAVE FLAUBERT

805. À EDMOND ET JULES DE GONCOURT.
Lundi [2e  quinzaine de janvier 1865].
Mes très Chers,

Je n’ai eu votre volume[1] que hier au soir, seulement. Entamé à 10 h. ½, il était fini à 3 heures. Je n’ai pas fermé l’œil après cette lecture et j’ai mal à l’estomac. Vous serez cause de nombreuses gastrites ! Quel épouvantable bouquin !

Si je n’étais pas très souffrant aujourd’hui, je vous écrirais longuement pour vous dire tout ce que je pense de Germinie, laquelle m’excite (52, 53). Cela est fort, roide, dramatique, pathétique et empoignant.

Champfleury est dépassé, je crois. Ce que j’admire le plus dans votre ouvrage, c’est la gradation des effets, la progression psychologique. Cela est atroce d’un bout à l’autre, et sublime, par moments, tout simplement. Ce dernier morceau (sur le cimetière) rehausse tout ce qui précède et met comme une barre d’or au bas de votre œuvre.

La grande question du réalisme n’a jamais été si carrément posée. On peut joliment disputer sur le but de l’Art, à propos de votre livre.

Nous en recauserons dans quinze jours. Excusez ma lettre ; j’ai, cet après-midi, une migraine atroce, avec des oppressions telles que j’ai du mal à me tenir à ma table.

Je vous embrasse, néanmoins, plus fort que jamais. À vous.


  1. Germinie Lacerteux.