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CORRESPONDANCE

d’Amiens, tout en riant de si bon cœur aux bêtises que je disais. L’autre jour, j’ai été au collège voir un gamin que l’on m’avait recommandé à Paris ; tout le temps du collège m’est revenu à la pensée. Je t’ai revu battant la semelle contre le mur, par un temps de neige, dans la cour des grands…

Mais, saprelotte, quand tu viens à Paris préviens-moi par un petit mot la veille, afin que je puisse te recevoir et t’embrasser. Je rugis comme un âne toutes les fois qu’on me remet ta carte. J’y passerai tout le mois de mai, j’attends même le retour des nouveaux époux pour y aller ; ils sont maintenant à Venise.

Pour répondre aux questions que tu ne me fais pas et qui t’intéressent, puisque tu t’intéresses à tout ce qui me regarde, je te dirai que mon nouveau neveu me paraît un excellent garçon et qu’il adore sa femme ; c’est le principal. Quant à son métier, il a une scierie mécanique à Dieppe et fait venir des bois du Nord qu’il vend à Rouen et à Paris. Il est très considéré par les bourgeois comme honnête homme et homme capable dans son industrie. Voilà tout ce que je peux t’apprendre maintenant.

Ma mère m’a chargé de t’embrasser bien fort, ainsi que tous les tiens. C’est ce que je fais.

Ton vieux.

Quand donc reverrai-je ta femme, qui m’a laissé un si excellent souvenir ?

Tu me parais embêté de la toge. Ne serait-ce pas plutôt de la province ? Quand siégeras-tu à Paris, ou tout au moins plus près de nous ?