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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Rouen ; l’ennui vous submergeait. J’ai bien pensé à vous, mercredi dernier, jour de votre départ, je crois. Le dimanche précédent je vous avais vaguement attendue tout l’après-midi ; espoir trompeur.

Donnez-moi, ou plutôt donnez-nous (car ici on parle de vous souvent) des nouvelles de votre aimable personne. Je compte la baiser sur les deux joues dans un mois au plus tard.

J’ai fini aujourd’hui tant bien que mal le Château des cœurs. J’en suis honteux, cela me semble immonde, c’est-à-dire léger, petiot. Le manque absolu de distinction, chose indispensable à la scène, est peut-être la cause de cette lamentable impression. La pièce n’est pas mal faite, mais comme c’est vide ! Tout cela ne m’ôte nullement l’espoir de la réussite ; au contraire, c’est une raison pour y croire. Mais je suis humilié intérieurement : j’ai fait quelque chose de médiocre, d’inférieur.

Je vais maintenant m’occuper de la préface, qui sera, je l’espère, un travail plus sérieux, et jeudi prochain j’irai à la Bibliothèque, où je verrai votre vieil ami. Vous souvient-il que c’est là l’endroit de notre première entrevue ? On vous a apporté des mirlitons, le sucre en poudre faisait une moustache blanche à votre joli bec, vous étiez charmante, à donner envie de vous croquer comme les gâteaux.

Ce pauvre Rouen ! Comme vous y songez, n’est-ce pas ? Il en est toujours ainsi, les choses dans l’éloignement seules sont belles, pays et amours, peut-être.

Je m’y suis trimbalé jeudi dernier (non pas dans les amours mais dans Rouen) pour le mon-