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DE GUSTAVE FLAUBERT.

ficelle, une pose, un moyen très commode de faire de l’effet, et par une négation !

J’ai lu les Abeilles que tu m’as envoyées. C’est raide, d’idées surtout, et je trouve les mouches de Montfaucon splendides. Quant à l’Expiation, quel dommage que ce soit bâclé ! Tout le Waterloo est stupide ; mais la Retraite de Russie et Sainte-Hélène (à part des taches nombreuses) m’ont plu, et extrêmement. On eût pu faire de cela quelque chose d’aussi beau que le Feu du ciel. N’importe, ce bonhomme est un grand homme et un très grand homme.

Je suis maintenant dans des lectures bien diverses. D’abord, je me gaudys avec Pétrus Borel qui est hénaurme ; je trouve là mes vieilles phrénésies de jeunesse ! Cela valait mieux que la monnaie courante d’à présent. On était monté à un tel ton que l’on rencontrait quelquefois un bon mot, une bonne expression. Il y aurait, du reste, sur ce malheureux livre, une belle leçon à faire. Comme le socialisme perçait déjà. Comme la préoccupation de la morale rend toute œuvre d’imagination fausse et embêtante ! etc. Je tourne beaucoup à la critique. Le roman que j’écris m’aiguise cette faculté, car c’est une œuvre surtout de critique, ou plutôt d’anatomie. Le lecteur ne s’apercevra pas, je l’espère, de tout le travail psychologique caché sous la forme, mais il en ressentira l’effet. Et d’une autre part je suis entraîné à écrire de grandes choses somptueuses, des batailles, des sièges, des descriptions du vieil Orient fabuleux. J’ai passé, jeudi soir, deux belles heures, la tête dans mes mains, songeant aux enceintes bariolées d’Ecbatane. On n’a rien écrit sur tout cela. Que