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DE GUSTAVE FLAUBERT.

c’est le seul moyen de n’y pas devenir bête ; tout océan doit pousser à la dégueulade.

Tu as tort de regretter Rouen ; il ne faut rien regretter, car n’est-ce pas reconnaître qu’il y a quelque chose de bon ?

Tu peux avoir raison en ceci qu’il eût mieux valu arriver là-bas avec ton drame tout fait. C’est possible comme pompe ; mais autrement, non. Tu es arrivé à Paris avec une grande œuvre publiée et déjà connue des artistes ; on ignorait ta mine que l’on savait tes vers. Je ne débuterai pas dans d’aussi bonnes conditions que toi, je serai beaucoup plus vieux et beaucoup plus banal (comme homme). Cette année-ci, tu peux et tu dois l’employer à te faire des connaissances. Si j’étais de toi, je me « lancerais dans le monde » plus que tu ne fais ; traite-moi de bourgeois tant que tu voudras, d’accord ; mais réfléchis profondément à l’objectif des choses et tu verras que j’ai raison. Tu m’objecteras que ça t’embête, je m’en f…

Allons donc, s… n… de D… ! ne sommes-nous pas deux vieux roquentins ? Tu m’écris qu’il n’y a pas de place à Paris pour un brave homme ; on ne trouve pas sa place, on se la fait, et à coups de bâtons encore, comme un pacha quand il se montre. Veux-tu donner raison aux imbéciles ? veux-tu qu’ils ricanent : « J’avais toujours dit que la littérature, etc. » ? Voyons ! nom d’un petit bonhomme, ferme la porte, et gueule tout seul quelques bonnes rimes, quelques bonnes phrases un peu corsées, pense à la Chine, à Vitellius, etc., et f… toi du reste. Encore un an et nous sommes piétés là-bas, ensemble, comme deux rhinocéros de bronze. Nous ferons le Ballet astronomique, une