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DE GUSTAVE FLAUBERT.

t’a desséché le cœur. » Au fond, tu es de son avis et tu trouves qu’à propos de Rouen, par exemple, je manque tout à fait de sensibilité ; car toi, bien que curvus et complex, tu es sensible. C’est par là que tu te rapproches de Rousseau ; quoi que tu en dises, tu aimes les champs, tu as des goûts simples. Il te faut, pour être heureux, une compagne (un de ces jours tu vas étudier la botanique) et tu regrettes de « ne pas savoir un état ».

Veux-tu que je t’indique un maître menuisier ? Allons, mon bonhomme, rabote, scie, allonge-toi sur la varlope « comme un nageur ». Sophie t’ira voir avec sa mère, et moi, ton précepteur, je sourirai dans un coin.

Un trait manque encore au parallèle (entre toi et Émile), à savoir les voyages. Car il voyage pour connaître « la politique des nations », et toi tu m’as l’air de rester. Je te ferai cadeau au jour de l’an du Voyage autour de ma chambre par M. de Maistre, suivi de Symboles et Paradoxes de Houssaye. Ah ! n… de D… ! il doit pourtant faire beau ce soir, sur la terrasse de la Villa Médicis ! Le Tibre est d’argent et le Janicule sort noir comme une tunique d’esclave.

À propos d’argent, je suis empêtré dans des explications de billets, d’escompte, etc., que je ne comprends pas trop. J’arrange tout cela en dialogue rythmé, miséricorde ! Aussi je te demanderai la permission de ne t’apporter rien de la Bovary. J’éprouve le besoin de n’y plus penser pendant quinze jours. Je me livrerai à la peinture, aux beaux-arts, cela pose un homme. Adieu, je t’embrasse, monstre. À toi.