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CORRESPONDANCE

qui j’aie foi et tu fais tout ce que tu peux pour me desceller du cœur cette pauvre niche de marbre, placée haut, et où tu rayonnes !

Fais-moi le plaisir pour toi et dans l’intérêt même de cet avenir, dont l’idée permanente te préoccupe maintenant exclusivement, de tâcher de t’abstraire un peu et de travailler. Tant que tu seras à te secouer la cervelle sur ta personnalité, sois sûr que ta personnalité souffrira. Et d’ailleurs à quoi bon ? Si ça servait pratiquement à quelque chose, très bien. Mais au contraire et ceci est démontrable par A + B.

Au reste nous causerons de tout cela dans quinze jours, si tu veux. Nous pourrons vider le fond du sac.

J’ai été hier à Rouen dîner chez Achille et, ayant une heure devant moi, je me dirigeais vers le logis de ta Dulcinée, lorsque le môme d’Abbaye a couru après moi pour me dire que Madame *** était à Caen. En descendant dans la rue, j’ai contemplé Abbaye sur sa porte.

Quel aspect que celui de Rouen, est-ce mastoc, et embêtant ! Hier, au soleil couchant, l’ennui suintait des murs d’une façon subtile et fantastique à vous asphyxier sur place. J’ai revu toutes les rues que je prenais pour aller au collège. Eh bien, non ! rien de tout cela ne m’attendrit plus. Le temps en est passé ! je conchie sur mes souvenirs. « J’ai ça de bon », comme disait ce conducteur de diligence qui puait des pieds.

Sais-tu que ma mère, il y a six semaines environ, m’a dit un mot sublime (un mot à faire la Muse se pendre de jalousie pour ne l’avoir point inventé) ; le voici, ce mot : « La rage des phrases