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DE GUSTAVE FLAUBERT.

sée à l’abbé de Choisy. Ce qu’il y a de plus prudent est de s’en tenir à l’anonyme.

Nos deux lettres ont dû se croiser et je commençais à m’ennuyer de vous, comme vous voyez. Le gros bouquin d’histoire dont vous me parlez, n’est-ce pas pour la Femme au dix-huitième siècle ? Vous marchez sur un terrain solide, vous autres, je vous envie ! Carthage n’en finit ! j’ai commencé hier le dernier chapitre. Mais ça m’ennuie démesurément, je dégobille dessus, voilà. Ah ! quel « ouf ! » je pousserai quand j’aurai mis la barre finale.

Je viens de me livrer à des lectures pathologiques sur la soif et la faim, pour un passage aimable qui me reste à faire. Mais je n’ai pas sous la main un recueil où il y a peut-être quelque chose ? Transition adroite pour vous prier (par pari refertur, ou autrement : Bal paré à la Préfecture) de voir à la bibliothèque de l’École de médecine, dans la Bibliothèque médicale, t. LXVII le « journal d’un négociant qui s’est laissé mourir de faim ». Si vous y trouvez des détails chic, envoyez-les-moi. J’ai cependant tout ce qu’il me faut, mais qui sait ?

Je ne sais encore quand je vous reverrai. Pas avant la fin de janvier, certainement. Et puis, ceci est un conseil que je vous demande et un fait à enquérir, comme disent les philosophes : si les Misérables se mettent à paraître au mois de février et qu’on en publie deux volumes tous les mois, ne trouvez-vous pas impudent et imprudent de risquer Salammbô pendant ce temps-là ? Ma pauvre chaloupe, mon pauvre petit joujou, sera écrasée par cette trirème, par cette pyramide. […]