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DE GUSTAVE FLAUBERT.

suis maintenant plein de doutes, sur l’ensemble, sur le plan général ; je crois qu’il y a trop de troupiers. C’est l’Histoire, je le sais bien. Mais si un roman est aussi embêtant qu’un bouquin scientifique, bonsoir, il n’y a plus d’Art. Bref, je passe mon temps à me dire que je suis un idiot et j’ai le cœur plein de tristesse et d’amertume.

Ma volonté ne faiblit point, cependant, et je continue. Je commence maintenant le siège de Carthage. Je suis perdu dans les machines de guerre, les balistes et les scorpions, et je n’y comprends rien, moi, ni personne. On a bavardé là-dessus, sans rien dire de net. Pour te donner une idée du petit travail préparatoire que certains passages me demandent, j’ai lu depuis hier 60 pages (in-folio et à deux colonnes) de la Poliorcétique de Juste-Lipse. Voilà.

Je commence maintenant le treizième chapitre. J’en ai encore deux après celui-là. Si mes défaillances ne sont pas trop fortes et trop nombreuses, je pense avoir fini au jour de l’an. Mais c’est rude et lourd.

Tu as bien fait d’envoyer promener le papier de Buloz. Il y a des boutiques où l’on ne doit pas mettre les pieds. C’est un recueil qui m’est odieux.

Quel est le sujet de ta nouvelle pièce ? Car pour les pièces, j’ai la conviction que tout dépend du sujet, quant au succès bien entendu.

Bouilhet est comme toi indigné des réclames qu’on fait au grand Mocquard[1]. Je n’ai pas lu son étron, c’est trop cher pour mes moyens. Le même Bouilhet m’a demandé à plusieurs reprises si tu

  1. Jessie, par M. Mocquard.