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DE GUSTAVE FLAUBERT.

faire beaucoup pour vous et je ne puis rien, rien que vous répéter les mêmes conseils inutiles et vous offrir les condoléances d’un cœur sympathique.

Il me semblait, dans vos dernières lettres, que vous étiez un peu moins triste. Vous voilà retombée dans le même état. Mais vous finissez par le chérir involontairement. Ces tortures dont vous vous plaignez et qui sont atroces, elles ont un charme pourtant et vous tâchez de les aviver encore en y appliquant toute la réflexion de votre esprit.

Puisque la confession est pour vous une chose si intolérable, faites-vous donner par votre confesseur lui-même, ou mieux, par l’évêque de votre diocèse, une dispense, une indulgence, un ordre enfin qui vous enjoigne d’y renoncer ; votre conscience sera dès lors en repos.

Vous vous accusez de cet état de sécheresse dont sainte Thérèse parle tant et qui la désolait. C’est là le raffinement des âmes mystiques, l’excès de l’amour de ne pas croire à lui-même. Vous dites que vous n’aimez plus rien, c’est le contraire. Vous avez énervé votre cœur et votre sensibilité démesurément. Faites donc travailler votre jugement ; apprenez quelque chose, lisez de l’histoire — pour elle-même — et comme on va au spectacle. Tâchez de devenir un œil ! Me comprenez-vous ? Puisque vous vous inquiétez de mon travail, je vous dirai qu’il me tiendra encore jusqu’au mois de janvier. Mais je suis plein de doutes sur sa valeur. L’entreprise était bien ambitieuse, trop au-dessus de mes forces peut-être ? Quand on se compare aux autres, à la tourbe qui vous entoure,