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CORRESPONDANCE

haut, dans un travail qui est le commencement d’une science, dans une œuvre d’observation naturelle et d’induction, vous avez (et à plusieurs reprises) insisté trop (?) sur l’Esprit du mal. On sent comme un levain de catholicisme çà et là. J’aurais mieux aimé que vous ne blâmiez pas le haschich, l’opium, l’excès, savez-vous ce qui en sortira plus tard ?

Mais notez que c’est là une opinion personnelle, et dont je ne fais aucun cas. Je ne reconnais point à la critique le droit de substituer sa pensée à celle d’un autre. Et ce que je blâme dans votre livre est, peut-être, ce qui en constitue l’originalité, et la marque même de votre talent ? Ne pas ressembler au voisin tout est là.

Maintenant que je vous ai avoué toute ma rancune je ne saurais trop vous dire combien j’ai trouvé votre œuvre excellente d’un bout à l’autre, c’est d’un style très haut, très ferme et très fouillé. J’admire profondément dans le poème du Haschich les pages 27-33, 51-55, 76 et tout ce qui suit.

Vous avez trouvé le moyen d’être classique, tout en restant le romantique transcendant que nous aimons.

Quant à la partie intitulée un mangeur d’opium, je ne sais ce que vous devez à Quincey, mais en tout cas c’est une merveille.

Je ne sais pas de figure plus sympathique, pour moi du moins.

Ces drogues-là m’ont toujours causé une grande envie. Je possède même d’excellent haschich composé par le pharmacien Gastinel. Mais ça me fait peur, ce dont je me blâme.