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CORRESPONDANCE

657. À AMÉDÉE POMMIER[1].
Croisset, 8 septembre 1860.

Vous devez me considérer, monsieur, comme le dernier des goujats. Mais depuis le mois d’avril j’étais absent de Paris. C’est il y a huit jours seulement que j’ai trouvé chez moi votre volume. Donc agréez d’abord toutes mes excuses, puis mes remerciements.

Vous m’avez d’ailleurs écrit, à propos de la Bovary, une lettre qui a « chatouillé de mon cœur l’orgueilleuse faiblesse ». La nouvelle marque de sympathie que vous me donnez en me dédiant une pièce m’a été très douce, je vous assure.

Vos Colifichets sont des joyaux. Je me suis rué dessus. J’ai lu le volume tout d’une haleine. Je l’ai relu. Il reste sur ma table pour longtemps encore. Partout j’ai retrouvé l’exquis écrivain des Crâneries, des Océanides et de l’Enfer. Je vous connais et depuis longtemps je vous étudie. Il n’est guère possible d’aimer le style sans faire de vos œuvres le plus grand cas. Quelles rimes ! quelle variété de tournures ! quelles surprises d’images ! C’est à la fois clair et dense comme du diamant. Vous me semblez un classique dans la meilleure acception du mot.

Il va sans dire que la page 8[2], tout d’abord, m’a séduit, et mon émerveillement n’a pas ensuite

  1. Poète étrange, né à Meursault en 1804, mort à Paris en 1877.
  2. Strophes contre les académies et les amateurs de faux art.