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DE GUSTAVE FLAUBERT.

[…] Il est si facile pourtant d’avoir la foi du charbonnier, d’admirer ce qui est admirable, de rire à ce qui est drôle, d’exécrer le laid, le faux, l’obscur, d’être humain en un mot, je ne dis pas humanitaire, de lire l’histoire et de se chauffer au soleil ! Il faut si peu de chose pour remplir une âme humaine ! J’entends d’avance l’objection ; je vois arriver la série de ceux qui ont chanté l’insuffisance de la vie terrestre, le néant de la science, la débilité naturelle des affections humaines. Mais êtes-vous bien sûre de connaître la vie ? Avez-vous été jusqu’au fond de la science ? N’êtes-vous pas trop faible pour la passion ? N’accusons pas l’alcool, mais notre estomac ou notre intempérance. Qui donc parmi nous s’efforce constamment et sans espoir de récompense, sans intérêt personnel, sans attente de profit, de se rapprocher de Dieu ? Qui est-ce qui travaille pour être plus grand et meilleur, pour aimer plus fort, pour sentir d’une façon plus intense, pour comprendre davantage ?…


633. À MADAME ROGER DES GENETTES.
[1859-1860 ?]

[…] Vous savez bien que je ne partage nullement votre opinion sur la personne de M. de Voltaire. C’est pour moi un saint ! Pourquoi s’obstiner à voir un farceur dans un homme qui était un fanatique ? M. de Maistre a dit de lui dans son traité des Sacrifices : « Il n’y a pas de fleur dans le jardin de l’intelligence que cette chenille n’ait souil-