Page:Flaubert Édition Conard Correspondance 4.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
354
CORRESPONDANCE

628. À SA NIÈCE CAROLINE.
Croisset, samedi matin [17 décembre 1859].
Ma chère Carolo,

Je compte revoir et baiser ta gentille petite trombine vendredi prochain, si d’ici là je ne péris pas enseveli sous la neige, comme un cratère des Alpes. Tu n’as pas l’idée du temps qu’il fait ! Et de l’horreur de la nature ! Si ta grand’mère était à Croisset, elle périrait de mélancolie. Rien n’est plus sauvage, cette tristesse a sa beauté ; je préfère celle du soleil néanmoins.

Ton chat a été aujourd’hui porté chez Mme Sénard, la femme du menuisier. Le boucher lui apportera toutes les semaines pour 4 sols de mou : c’est la quantité qu’il faut ; mais il ne paraissait pas disposé à vouloir quitter sa maison. Ça l’ennuyait, évidemment.

J’ai reçu dimanche dernier une lettre qui était à mon adresse, mais écrite à ta bonne maman, lettre fort aimable de Mme Tennant[1], pour la prier de lui envoyer une bonne d’enfant française. Je vous l’apporterai, et comme j’ai pensé qu’à Paris vous ne connaissiez guère de bonnes d’enfant, j’ai donné la commission à Narcisse et à Julie qui ont découvert la fille d’un douanier. Cette jeune personne joint à ses talents celui de savoir faire la barbe ; mais, à ce qu’il paraît, c’est un très bon

  1. Gertrude Collier.