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CORRESPONDANCE

vent. Acceptez-la, pour si peu qu’elle vaille, — et permettez-moi de baiser vos deux mains,

En me disant,

Tout à vous.


625. À ERNEST FEYDEAU.
Nuit de mardi, Croisset [29-30 novembre 1859].

Il est bien tard, mon vieux ; n’importe ! Il faut que je te dise un petit bonjour. Comment vas-tu ? Es-tu un peu moins triste ? Catherine marche-t-elle ? Moi, je suis empêtré dans le temple de Moloch, et ma séance du parlement n’est pas facile à faire !

Il faut être absolument fou pour entreprendre de semblables bouquins ! À chaque ligne, à chaque mot, je surmonte des difficultés dont personne ne me saura gré, et on aura peut-être raison de ne pas m’en savoir gré. Car si mon système est faux, l’œuvre est ratée.

Quelquefois, je me sens épuisé et las jusque dans la moelle des os, et je pense à la mort avec avidité, comme un terme à toutes ces angoisses. Puis ça remonte tout doucement. Je me re-exalte et je retombe — toujours ainsi !

Quand on lira Salammbô, on ne pensera pas, j’espère, à l’auteur ! Peu de gens devineront combien il a fallu être triste pour entreprendre de ressusciter Carthage ! C’est là une thébaïde où le dégoût de la vie moderne m’a poussé.

Si je n’avais pas ma mère, je partirais maintenant pour la Chine. L’occasion m’en serait facile.

Je viens de lire ce soir la Femme du père