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DE GUSTAVE FLAUBERT.

avec l’expédition française. Et je ne vous cache pas que je lâcherais très bien mon travail et mes travaux pour m’en aller au pays des paravents et du nankin, si je n’avais une mère qui commence à devenir vieille, et que ce départ achèverait.

Voilà la seconde fois que je rate la Chine !

Voyager (bien que ce soit un triste plaisir) est encore la meilleure chose de la vie — puisque tout, ici-bas, est impossible : l’Art, l’Amour, etc., et même le Bien-Être, — j’entends la parfaite santé du corps et de l’âme, que je vous souhaite, — comme on dit à la fin des sermons. Mais je suis lugubre, il me semble ? C’est peut-être l’influence de Moloch (dont je décris le sanctuaire) — ou bien celle de mes trente-huit ans qui vont sonner dans quinze jours ? Hélas, oui !

Ah ! si mon cœur osait encore se renflammer !
Ne sentirai-je plus le charme qui m’arrête ?
Ai-je passé le temps d’aimer ?


comme dit notre immortel fabuliste, l’inimitable La Fontaine.

Avez-vous la Légende des siècles ? Comme c’est beau ! J’en suis resté ébloui.

Quel Cabire, quel colosse que ce père Hugo.

Mais tout cela doit plaire très peu au bon public. Tant qu’on ne le prend pas par un vice, il vous échappe, ce bon public. Plus nous irons et plus le talent se séparera de lui.

Dans ce ramassis de badauds et de misérables qui composent la grand’ville, il faut bien faire des exceptions, cependant. — Vous savez qu’il s’y trouve un petit coin où ma pensée se reporte sou-