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CORRESPONDANCE

rons de grandes choses. J’ai peur qu’elles ne soient funèbres.

Adieu, je vous serre les mains bien affectueusement.

Le verre de votre portrait accroché dans ma chambre, sur une porte, s’est fêlé ces jours-ci ? J’ai de ces superstitions. Vous est-il arrivé quelque malheur ?


621. À ERNEST FEYDEAU.
[Croisset, première quinzaine d’octobre 1859].

Ta lettre m’a navré, mon pauvre Feydeau ! Que veux-tu que je te dise ? Quelle banalité t’offrir ? Je pense beaucoup à toi, voilà tout. Est-ce qu’il n’y a plus aucun espoir ? Pauvre petite femme[1] ! C’est affreux ! Tu as et tu vas avoir de bons tableaux et tu pourras faire de bonnes études ! C’est chèrement les payer. Les bourgeois ne se doutent guère que nous leur servons notre cœur. La race des gladiateurs n’est pas morte, tout artiste en est un. Il amuse le public avec ses agonies. Comme tu dois être éreinté, écrasé, brisé ! Le seul moyen dans ces crises-là de ne pas trop souffrir, c’est de s’étudier soi-même démesurément, et la chose est possible, car l’esprit a une acuité extraordinaire.

Ma mère me charge de te dire combien elle te plaint ; elle a si profondément passé par là !

Adieu, mon pauvre vieux, bon courage.

Je t’embrasse.


  1. Mme Feydeau (Agnès-Octavie Blanqui) mourut le 18 octobre 1859.