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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Une chose magnifique vient de paraître : la Légende des siècles, de Hugo. Jamais ce colossal poète n’avait été si haut. Vous qui aimez l’idéal et qui le sentez, je vous recommande les histoires de chevalerie qui sont dans le premier volume. Quel enthousiasme, quelle force et quel langage ! Il est désespérant d’écrire après un pareil homme. Lisez et gorgez-vous de cela, car c’est beau et sain.

Je suis sûr que le public va rester indifférent à cette collection de chefs-d’œuvre ! Son niveau moral est tellement bas, maintenant ! On pense au caoutchouc durci, aux chemins de fer, aux expositions, etc., à toutes les choses du pot-au-feu et du bien-être ; mais la poésie, l’idéal, l’Art, les grands élans et les nobles discours, allons donc !

À propos de choses élevées, lisez donc les travaux de Renan.

Que dites-vous de tous les mandements des évêques à propos de l’Italie. Comme c’est triste ! Il est immonde, ce clergé, qui défend et bénit toutes les tyrannies, jette l’anathème à la liberté, n’a d’encens que pour le pouvoir et se vautre bassement devant la chose reçue ; quand même, toutes ces soutanes qui se cousent au drap du trône me font horreur !

Avez-vous lu la Question romaine, d’Edmond About. Cela est très spirituel et très vrai pour quiconque a vu l’Italie ; on ne peut faire à ce livre aucune objection sérieuse, et néanmoins ce n’était pas là ce qu’il fallait dire. La question devait être prise de plus haut ; cela manque de maîtrise. — Il me semble que tout craque sur la terre depuis la Chine jusqu’à Rome. — Le musulmanisme, qui va mourir aussi, se convulsionne. Nous ver-