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DE GUSTAVE FLAUBERT.

Jusqu’à jeudi, je suis complètement seul. J’en vais profiter pour avancer dans ma besogne, car je travaille mieux dans la solitude absolue. Puis, nous aurons en septembre un tas de monde !!!

Je suis désolé d’apprendre que ta pauvre femme ne va pas mieux.

Adieu, mon brave, je t’embrasse.

Après mille réflexions, j’ai envie d’inventer une autobiographie chouette, afin de donner de moi une bonne opinion :

1o  Dès l’âge le plus tendre, j’ai dit tous les mots célèbres dans l’histoire : nous combattrons à l’ombre — retire-toi de mon soleil — quand vous aurez perdu vos enseignes et guidons — frappe, mais écoute, etc. ;

2o  J’étais si beau que les bonnes d’enfant me m… à s’en décrocher les épaules… et la duchesse de Berry fit arrêter son carrosse pour me baiser (historique) ;

3o  J’annonçai une intelligence démesurée. Avant dix ans, je savais les langues orientales et lisais la Mécanique céleste de Laplace ;

4o  J’ai sauvé des incendies xlviii personnes ;

5o  Par défi, j’ai mangé un jour xv aloyaux, et je peux encore, sans me gêner, boire 72 décalitres d’eau-de-vie ;

6o  J’ai tué en duel trente carabiniers. Un jour nous étions trois, ils étaient dix mille. Nous leur avons f… une pile !

7o  J’ai fatigué le harem du grand turc. Toutes les sultanes, en m’apercevant, disaient : Ah ! qu’il est beau ! Taïeb ! Zeb Ketir !

8o  Je me glisse dans la cabane du pauvre et dans la mansarde de l’ouvrier pour soulager des